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Il la retranscrivit rapidement, grossit les caractères et l’imprima.
Un mort, un jour, nous verrons.
Deux, un jour, mentiront.
Trois, un jour, pleureront.
Quatre, un jour, soupireront.
Cinq, un jour, pourquoi demanderont
Six, un jour, grilleront.
Sept, un jour… Oh non…
Dark barra le sixième vers.
Six,
un jour, grilleront.
Les prêtres de l’église méthodiste, évidemment. Et pour les trois ados de Hancock qu’il avait martyrisés :
Trois, un jour, pleureront.
Malgré les blessures qu’ils présentaient à l’anus, les trois garçons s’en étaient tenus à leur version de l’histoire : ils faisaient du skate et buvaient de la bière. Un type leur avait proposé de leur en acheter en échange de gin. Comme le magasin n’en vendait pas, ils étaient tous partis dans sa voiture en acheter dans un autre. Et c’est tout ce dont ils se souvenaient. Du moins, c’est ce qu’ils prétendaient.
Jack Mitchell avait fait remarquer que l’infirmière avait signalé des traces de sang et des blessures dans la région génitale. Mal à l’aise, les ados avaient expliqué qu’ils avaient trop bu et avaient joué avec du ketchup.
Mais l’un d’eux s’était trahi. Il avait précisé que le type portait un « costume blanc ».
Mitchell n’avait pas laissé passer ça. Quel genre de costume ? Dans quelle matière ?
En tissu, avait répondu le gamin. Un costume trois pièces. Avec un gilet.
Les deux autres avaient renchéri. « Oui, en tissu. Avec les boutons et tout. »
Ils avaient menti. Tout comme l’avait annoncé Sqweegel.
Trois, un jour, mentiront…
Dark lut le reste de la comptine pour essayer de la tirer au clair. Moins les messages de chaque vers que la structure générale. Sqweegel biffait-il les éléments de sa liste au hasard, ou bien suivait-il un ordre préétabli ? Cela voulait-il dire qu’il avait commencé par six, puis divisé par deux ?
Avait-il déjà commis d’autres crimes de sa liste ? Non, ce n’était pas son genre. Pas cette fois. Cette fois, il s’agissait d’un grand exploit. Et le fait qu’il ait choisi comme cible la maison de Dark quelques heures après l’arrivée de Riggins signifiait qu’il voulait attirer son attention. Eh bien, je suis tout ouïe, fils de pute.
Quand je pense qu’il y a à peine quelques jours, pensa-t-il, j’étais encore tranquille. Le chagrin que lui avait causé la mort de sa famille adoptive ne le quitterait jamais, mais cela faisait longtemps qu’il avait renoncé à essayer d’entrer dans la tête d’un psychopathe. Cela ne tenait plus debout. Jouer les profileurs à la DAS, à grands coups de raisonnement empathique, ne lui ramènerait pas les personnes qu’il avait tant aimées.
Seulement voilà, il fallait recommencer. Essayer de s’insinuer une fois de plus dans l’esprit dérangé de cette saloperie. C’était aussi plaisant que de se casser salement la jambe et de se la casser encore pour bien se rappeler comment on s’y était pris. Le tout était de réussir à voir le monde au travers de ses petits yeux ronds.
Ses yeux…
Une seconde.
Dark sortit son mobile et appela Riggins.
— Qu’est-ce qui se passe ? Tout va bien ?
— Le serveur vidéo, chez moi, tu l’as pris ?
Ce petit serveur comportait un moniteur intégré qui pouvait diffuser tout ce que contenait le disque dur dans sa poche. Il l’avait presque oublié, avec toutes ces péripéties.
— Si tu me redis ça en français, je vais peut-être pouvoir te répondre.
— Les caméras de sécurité de la maison, expliqua Dark. Il y en a une dans chaque pièce. Elles sont toutes reliées à un petit boîtier blanc fixé en haut du placard de l’entrée. Tu l’as emballé ?
— J’ai emballé tout ce qui portait un câble.
— Où il est ?
— Peut-être dans un des cartons remplis de trucs avec des câbles ? Excuse-moi, Dark, mais j’ai fait au plus vite. Écoute, si tu veux, je passe te donner un coup de…
Dark coupa la communication et commença à fouiller les autres cartons.